Première rencontre...

Je ne la connaissais pas et pourtant...
Je l'avais remarquée en achetant mon billet à la gare, elle marchait
seule, avançait d'un pas ferme vers le composteur tandis que moi
gesticulais avec la machine à pièces qui ne voulait pas me rendre ma monnaie, tant pis quelqu'un d'autre en profiterait.
Mes yeux furetaient sur le quai et j'étais heureux de redécouvrir ce
morceau de paradis...
Puis lorsque le train arriva, je la laissait grimper la première en repérant où elle avait posé son bagage...
Elle ouvrit un épais livre emprunté à une de ces nombreuses bibliothèques universitaire, sa carte de prêt dépassait... Je savais qu'elle avait le joli nom de Delfine... A vrai dire je m'en moquais, car c'était plutôt ses yeux qui me fascinaient... De beaux yeux bleus clairs...
Et vraiment, pour vous dire la vérité, j'aurais voulu me transformer en livre pour pouvoir être transporté, ballotté dans ses bras. J'étais gêné de mon attitude, car je scrutais du regard autour de moi pour voir si je n'étais pas observé ; heureusement personne ! Je voulais garder ce petit morceau de plaisir avec moi, ses yeux clairs si joliment dessinés et cet air détaché
qui lui convenait à merveille. Ses gestes légers m'émoustillaient comme par exemple lorsqu'elle se mordillait le bout d'un doigt. Ce qui lui donnait un air sérieux et coquin...

Je voyageais avec elle, et je me sentais si bien en sa compagnie ; c'était ma muse, ma mutine...
Si j'avais été peintre, j'aurais aimé dessiner son élégante silhouette et retranscrire ce regard si magique!
Elle était habillée de façon sobre : une longue jupe noire, une veste grise et une écharpe rouge carmin de soie qui illuminait son doux visage...
Quand elle relevait la tête pour observer le paysage elle avait cette manie de montrer son petit nez et d'afficher cet air toujours détaché...
Tellement détaché et tellement présent car je la voyais et moi je ne
faisais toujours rien. Lorsque son voisin de gauche quitta sa place, j'aurai voulu courir et reprendre le siège. Au lieu de cela je restais comme un imbécile devant ses yeux et je me rendais bien compte de ma bêtise : une jeune et si jolie personne... J'aurais voulu lui dire que ses yeux, sa bouche me donnaient envie mais je restais à contempler ce magnifique paysage. Lorsque vint le moment de quitter le train je me dit que si elle choisissait le même arrêt que moi je lui parlerais...
Idiot que je suis ! Elle préféra rester dans son wagon et moi je suis là planté comme un idiot sur le quai, néanmoins j'ai passé trente minutes de rêve !
Delfine, te reverrai-je un jour ?

Ce jour là je te promets de te parler...